Texte préparatoire à la conférence-diaporama donnée le 25 février 2020, pour l’UPGA (Université d’Alès), à l’Espace A. Chamson à Alès par Elisabeth Hébérard GARA (recherches bibliographiques, texte et diaporama, conférence).
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Site archéologique Lattara – Musée Henri Prades
Les statues-menhirs représentent les premières images de l’espèce humaine : l’Homme en pierre, « un art premier local».
Elles sont la manifestation d’une expression sculpturale codée, qui apparaît dans les premières sociétés agricoles fixées sur le territoire, il y a 5000 ans. On en dénombre 270 environ dans le Sud de la France, dont 65 dans le Gard-Ardèche-Hérault.
Il y a donc 5000 ans environ, à la période du Néolithique final, le paysage gardois était hérissé de pierres dressées, de stèles-menhirs, de stèles anthropomorphes, de stèles à cupules, de cromlechs (cercles de pierres debout), et il en était de même dans les forêts du Rouergue et dans les Alpes alors qu’en Bretagne, et Sardaigne le phénomène avait déjà commencé.
Cette pratique représente un aspect du phénomène culturel qui caractérise cette période : « Le Mégalithisme », le besoin et l’art d’utiliser les grandes pierres pour édifier des monuments cultuels (funéraires ou autres), pour marquer des lieux importants pour ces populations.
La géologie locale a donc joué un rôle, puisque, ici, le calcaire fut le matériau se prêtant le mieux à la technique du bas-relief, ailleurs le grès et le granit furent utilisés. Il n’y a pas de statues-menhirs en schiste, seulement des dalles levées.
Avec les statues-menhirs débute dans le Midi de la France (en Languedoc, Rouergue et Provence), l’Art de la statuaire au service d’une idéologie qui demeure inconnue, difficile à cerner. Nous n’avons que l’analyse visuelle et descriptive pour pénétrer un peu de leur mystère, car les découvertes, la plupart du temps, imprévisibles et fortuites ont manqué d’étude d’accompagnement!
Ce sont tout d’abord des pierres sculptées en une silhouette humaine très schématisée porteuse d’attributs ou de cupules, de dimension modeste ou monumentale, leurs dimensions variant de 0,30 mètre à plus de 2 mètres, façonnées avec sobriété dans des strates de calcaire local.
Contexte de situation
Leur situation géographique montre qu’elles ponctuaient les sites néolithiques des vallées des rivières gardoises et de leurs affluents en zone de bassins fertiles et milieu calcaire (Gardon, Alzon). Souvent découvertes sous forme de fragments hors de leur contexte initial immédiat, lors de labours, ou lors de démolitions de murs où elles étaient en réemploi, il est difficile de leur attribuer une fonction, voire une signification.
Mais parfois la découverte de certaines d’entre elles entières, associées à un monument permet d’envisager des hypothèses et de percevoir l’importance de la statuaire en pierre dans les pratiques sociétales et cultuelles des groupes humains du Néolithique final, suite aux découvertes en sites cérémoniels, sépulcraux, à proximité d’habitats.
- Des stèles ou des statues-menhirs en piédroits à l’entrée de grottes sépulcrales : grottes de la Sartanette (Remoulins), grotte de l’Orage (Saint Privat de Champclos)
- Des stèles juxtaposées pour constituer une paroi de caisson : Monument de Courrion à Collias, une découverte rare lors d’une opération archéologique de sauvetage en 1997 par X. Gutherz a permis d’exhumer d’un talus bordant un chemin, une portion de caisson quadrangulaire, orienté nord/sud, qui présentait des parois en pierres sèches, et en portions de stèles aniconiques et de statues-menhirs ; en face, existait un habitat fontbuxien, l’intervalle ayant été détruit par le passage du chemin moderne!
- Avant d’être support de signes, il y eut le repérage du banc rocheux convenant, l’extraction, la taille, le polissage, puis la réalisation sculptée des motifs! La pierre-dalle laisse voir les traces d’un travail à faible profondeur pour dégager des bas-reliefs par piquetage, gravure, et polissage ; les statues-menhirs ont pu être peintes et être ointes à l’occasion.
- Elles ne sont pas identiques, chacune portant un ou plusieurs signes : des cupules ou des figurations limitées à une représentation minimaliste de l’identité anatomique humaine accompagnée d’attributs à connotation masculine et féminine.
Deux stèles anthropomorphes composaient la paroi sud, l’une avec la face tournée vers le sud, l’autre vers le nord, entre elles deux, une stèle couchée formait un seuil. L’ensemble pouvant former l’entrée d’une chambre funéraire (qui n’a pas été étudiée). Un faible mobilier dispersé (tessons de céramique, une mandibule et quelques os humains) a été recueilli.
Ces fragments de statues-menhirs portent des figurations réduites et sommaires: visage, plastron, flanc côtelé « objet » poignard ?.
Cette construction à caractère cultuel pourrait être rapprochée de la nécropole du Serre de Bouisset à Ferrières les Verreries (Hérault) par l’emploi d’une stèle dressée et une couchée, de dalles dressées et murette (Louis 1950-65).
Les stèles anthropomorphes de Collorgues étaient associées à des hypogées – Mas de l’Aveugle, 1879 par Teste, travaux agricoles, site d’habitat de plein air et sépultures en hypogées ou en puits de mines silex – Teste 1 est en grès, posée à plat sur dalle de couverture de chambre sépulcrale, 1 ;75 m, 70 cm, 15 cm. – Teste II 1888, linteau de la chambre sépulcrale (=La Rouquette).
La Craie, Foissac est très sobre, 1894, elle fermait un hypogée.
Saint Victor des Oules et Bragassargues : St Victor des Oules 1908 U. Dumas, au bord du chemin, calcaire lacustre, 1,58 m, 65 cm, 20 cm ; 2 objets ; hypogée détruite par carrière ? MHN Nîmes, Bragassargues, Château de Roux, en calcaire oligocène dont les carrières sont à 20 km, 51 cm , 16 c m, 1902 par Bergeron, travaux agricoles ; gravée, doigts très longs.
La stèle de la Gayette (limite Castelnau Valence et Collorgues) en grès, Musée de l’Homme Paris : fin XIXe s. sur un tas de pierres au bord d’un champ (vestige de tumulus ?).
Une stèle anthropomorphe au cœur d’un habitat Ferrières, sur tertre cultuel : la stèle de Montaïon (commune de Sanilhac) fut découverte en 1984, elle faisait partie d’un ensemble de 5 stèles (3 petites et 1 grande aniconiques) ceinturaient un oratoire en tumulus de terre et pierres. Au pied des stèles avaient été déposées des offrandes : petits vases de style Ferrières, silex, galets percuteurs ou broyons.
Descriptif technique et iconographique :
Les stèles funéraires à cupules du Mas de l’Aveugle (Collorgues) :
Découvertes fortuitement en 1875, elles fermaient à l’horizontale l’ouverture d’une fosse funéraire en puits. Avoisinant un mètre de long, l’une porte sur une face, une incision (lunule) à l’extrémité supérieure limitant une zone « tête » et, plus bas, une incision transversale, ainsi que 7 cupules organisées en cercle autour d’une centrale. La seconde stèle porte une profonde et large cupule (bassin ?) sur la face et le dos. Elles figurent la forme humaine dans son état le plus minimaliste, et peut être comparée aux stèles d’Almendres au Portugal.
Quant aux cupules, on en trouve des milliers sur les rochers en Cévennes, et en Avignon sur des stèles- visages.
Une représentation humaine réduite au corps suggéré paré d’attributs :
- Les attributs de la stèle de Montaïon :
- Une extrémité supérieure arrondie et polie est sans visage (était-il peint ?);
- pas de bras ?
- peut-être une double hache crosse orientée vers la gauche
- et l’objet est un poignard à coquille de protection d’où pendent 2 triangles, ces motifs symboliques suggèrant l’identité humaine masculine
- La statue menhir de Fontcouverte, calcaire, 1974 travaux agricoles, 2 rectangles inédits (plastron double), 1,26 m
- La statue-menhir de Rosseirone (Castelnau Valence) est de forme ogivale (1, 75m de H, 18 cm d’e), de facture soignée (piquetage fin), elle est chargée en motifs (10) ; le visage est serti d’un sillon et surmonté d’un double bandeau ; le bloc nez triangulaire et sourcil arqué formant un T, avec des yeux en pastille, les bras s’y raccordent et les avant-bras munis de mains sont dirigés vers le visage. Les flancs sont côtelés. Des attributs vestimentaires sont le baudrier à 2 branches, une crosse en creux, l’objet sur un plastron.
- La statue-menhir de Saint Phallibert (Saint Maximin)
- Fragments de statue-menhir du portique dans la grotte de la Rouquette (St Hilaire de Brethmas) : 1995 , formant portique d’entrée du couloir d’une zone sépulcrale en grotte ; associé à un gobelet Ferrières. Réemploi d’une stèle brisée ou brisée volontairement ?
- Parfaite avec des méplats obtenus par piquetage. Sous son visage ovale en tête de chouette elle porte un collier gravé muni d’une grosse perle tubulaire en relief. De chaque côté les bras et les doigts sont symétriques. Elle a les attributs de la féminité.
- La Statue-menhir du Colombier (Euzet les Bains) : Trouvée lors de travaux agricoles dans un contexte d’habitat chalcolithique. Elle est travaillée sur ses 2 faces et porte une grosse cupule profonde dans le dos et 7 motifs sur le devant : sourcils et nez sont reliés et surmontent des yeux globuleux soulignés par 2 arcs sous orbitaux gravés. 3 bandeaux gravés descendent sur les flancs côtelés. Bras , avant-bras et doigts (6) forment un geste qui maintient « l’objet » oblique, sorte de fourreau.
- La Statue-menhir de Candelaïre (Saint Bénezet), 1930, 64,5 cm, 12 cm, travaux agricoles, conservée au Château de La Bouchère, est originale et réalisée par quelqu’un qui avait le sens de la forme et du rythme: Découverte en 1930 lors de travaux agricoles, elle est soigneusement formée dans un bloc au sommet bien arrondi favorisant l’expression d’une coiffure en mèche lisse et cannelée sur les flancs. Le visage est encadré par un bandeau en relief. Les bras se terminent par un geste d’orant. Il n’y a pas d’objet, seul le visage et le geste créent l’expression de ferveur !
- La Statue-menhir de Maison Aube (Montagnac) : extraite de la voûte d’une maison, elle est d’une structure comparable à la précédente, elle s’en différencie par un développement plus rectangulaire, un double bandeau sous jugal et le port d’une ceinture en bourrelet avec boucle.
- La Statue-menhir de Sillargues (St Nazaire des Gardies) : entre Gardon et Vidourle, découverte lors de labours, elle se trouvait à proximité du carrefour de 2 voies anciennes sans mobilier néolithique d’accompagnement. Elle possède une lanière dans le dos, un objet allongé de forme aveyronnaise, un sillon sous jugal. Son visage fut martelé. Bras étirés et flancs côtelés montrent son rapport avec celles d’entre Gardon et Vidourle.
- La statue-menhir inédite de Jonquières (Montmirat)
- Le groupe gardois se compose donc de statues-menhirs de grandeurs diverses et de configurations nuancées dont les constantes sont :
- une tête non dégagée des épaules porte deux yeux en boule, nez et sourcils en T, et parfois des arcs sous orbitaux;
- deux bras et mains sont positionnés en geste d’adoration ou de maintien;
- des flancs côtelés ou plis de manteau, un bord de coiffe, une ceinture ou baudrier, et un collier à perle ou pendeloque suggèrent un vêtement paré;
- la hache crosse et l’objet pointu à anneau semblent être des emblèmes définissant le statut et le prestige du personnage.
- Le collier et deux cercles féminisent certaines statues.
Les statues-menhirs aveyronnaises portent des éléments vestimentaires différents avec large ceinture, baudrier, bretelles, lanières, manteau en bandes. Elles ont des jambes, bras, seins parfois, l’objet, une pendeloque longue, la hache marteau ou masse, collier tatouage facial différent du gardois. Masculine ou féminine.
Suite à tous les constats, la signification des statues-menhirs est attachée aux lieux sacrés et communautaires : aux domaines cérémoniels, religieux et funéraires, à la célébration de personnes ou d’évènements (cultes dédiés à des êtres symboliques: aux ancêtres, au héros, au chef, au guerrier défenseur, à la divinité protectrice du groupe, aux gardiens signalant les limites territoriales, les zones sacrées voire interdites). Leurs fonctions peuvent être différentes selon les lieux où elles sont érigées.
Elles fournissent une connaissance vestimentaire, malgré la stylisation des représentations. La valorisation par la sculpture et l’érection ostentatoire de l’homme armé et de l’identité féminine montrent l’existence d’une société de prestige. L’Homme a évolué : il est, dorénavant, créateur de son environnement avec des codes de pensée et de fonctionnement; il est conscient de son emprise sur un espace territorial qu’il limite, exploite, organise et définit en secteurs de vie matérielle, en lieux techniques, cultuels, réservés aux morts ou à la communication.
Ailleurs, le phénomène « stèles anthropomorphes » existe et peut être mis en relation avec celui d’ici! En Sardaigne, en Corse, en Anatolie, vers la mer Noire. Associé au funéraire, en alignement ou isolé, lié à a montée en puissance de la métallurgie du bronze.
Notes :
DENOMBREMENT : Plus de 270 stèles et statues-menhirs dans le Midi de la France. Plus de 100 en Corse. 700 sites de pierres dressées en Bretagne
* PRECISIONS sur la stèle de Montaion, trouvées dans le gros livre p 147 : elle faisait partie d’un « oratoire » Néo final Ferrières, le riche mobilier était déposé le long de petites stèles aniconiqes alignées ; le poignard a un manche à coquille de protection d’où pendent 2 triangles !
* PRECISIONS pour la stèle de la Rouquette p 147, un poignard similaire porte aussi 2 triangles en pendentifs, et la tête qui est au D de F peut se raccorder sur les deux blocs qui sont encore dans la grotte : donc je vais faire une image-montage graphiquement et avec les photos et une mise en parallèle des deux statues pourra être faite : génial pour un panneau ou pour le catalogue!
Publication : 7 février 2024