Préhistoire des Hautes Vallées Cévenoles

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Ce territoire fut attractif pour l’Homme du Néolithique final jusqu’à l’Âge du fer (de -3000 à -700), il constitue un espace archéologique témoignant des modes de vie des premiers cévenols !

Si l’Homme Paléolithique de l’époque glaciaire, nomade chasseur-cueilleur, n’a pas laissé de nombreuses traces en ce secteur (quelques silex dans la grotte de Mialet), c’est l’Homme pasteur et cultivateur de l’époque tempérée qui a occupé ces lieux escarpés où naissent les rivières.

Il y a 5000 ans, ces territoires rocheux et boisés, étagés entre plaine et montagne, ont donc attiré les groupes humains, car ils y trouvaient nombre de valats et cours d’eau, des abris sous roche, des ressources vivrières, des matières premières diversifiées végétales et animales, lithiques et métallifères, ainsi que des configurations propices à l’exercice de pratiques symboliques et cultuelles.

Il faut noter la rareté des grottes, car le substrat micaschisteux domine (avec ses inclusions de quartz), côtoyant des zones gréseuses et granitiques.

Agriculteurs et éleveurs, ils furent donc producteurs de nourriture sans délaisser les activités de chasse, de pêche et de récolte. Une chaîne d’activités caractérise ce nouveau rapport à l’environnement et à la vie plus ou moins sédentaire entrecoupée de déplacements saisonniers à des fins de prospection, de récolte ou d’élevage en semi-liberté ou en transhumance.

La moyenne montagne était ainsi parcourue, explorée, traversée, et considérée certainement comme un lieu de manifestations particulières !

Ces populations ont affectionné en particulier les crêtes et les pentes de « montagnes-phares » telles que la Vieille Morte, le Mortissou, le Mont Mars et le Montcalm, qui se dressent entre les profonds lits des rivières Gardons et de leurs affluents (Galeizon, Alzon, Salandre, Merlet…..).

Photo : GARA

Si les traces d’habitats restent très rares, réduites à quelques dalles de schiste plantées au sol, ou quelques trous pour poteaux dans la roche, c’est parce qu’ils étaient en matériaux légers et périssables, construits à l’aide d’armatures en bois et de pisé plaqué sur des clayonnages.

Le ravinement des pentes et les crues épisodiques des rivières ont pu détruire des aménagements préhistoriques à proximité des terres arables proches des vallées ; et les implantations de mas, à l’époque historique, avec leurs terrasses de cultures, ont pu gommer de fragiles vestiges.

Par contre, un très grand nombre de monuments funéraires, isolés ou groupés en nécropoles sont toujours visibles, en particulier sur les crêtes secondaires orientées vers les vallées. Ils représentent les premières architectures en pierres sèches… réservées aux défunts ! S’ils témoignent d’une technique d’édification, ils portent aussi la preuve de modes de pensée, d’idéologies et de rites établis face à la Mort et à l’Environnement Naturel !

Construits avec les dalles de schiste trouvées en général sur place, et orientés souvent Nord-est/Sud-ouest, ce sont, pour la plupart, des coffres à plan rectangulaire ou trapézoïdal, limités par trois ou quatre dalles, plantées parfois dans des rainures creusées dans le sol rocheux ; un dispositif fermait le dessus de ces petits caveaux au moyen d’une grande dalle de schiste ou d’un autre système de couverture fait de bois et de terre !

Un large tumulus circulaire ou ovalaire fait de dallettes liées à la terre entoure souvent ces coffres, ainsi calés et protégés ; la trace d’une murette de bordure est parfois visible, servant de retenue sur le sol pentu.

Utilisés pendant de très nombreux siècles, ils montrent dans leur agencement les transformations des modes funéraires survenues au cours du temps par les apports de populations nouvelles : une dalle latérale a pu être rabattue pour cacher et recouvrir un dépôt funéraire antérieur, et permettre ainsi un nouveau dépôt par-dessus l’ancien ! D’autres coffres ont pu être allongés, reconstruits ou éliminés…

A l’intérieur du coffre, des fouilles ont pu révéler des fonds parfois dallés où un objet d’offrande indiquant la consécration de la tombe avant son utilisation ; quant aux restes humains issus de l’inhumation néolithique, ou de l’incinération aux Âges du Bronze et du Fer, ils sont quasi inexistants ou faibles à cause de l’acidité du terrain en zone schisteuse !

Néanmoins, selon leurs emplacements dans le coffre ou le tumulus, on peut distinguer ces deux rituels de traitement du corps, entrevoir les gestes des vivants lors des funérailles, et dater les périodes d’utilisation de la tombe ! Des disques en schiste perforés ou encochés, et des broyons de grès trouvés souvent aux alentours se rapportent certainement à ces préparatifs codés.

Photo : GARA

Rares aussi sont les vestiges d’objets accompagnant le mort vers l’au-delà (parures, armes ou outils en silex, cuivre ou bronze, scories, vases en céramique, restes osseux de repas), car ces coffres ont été souvent pillés au cours du temps par des fouilleurs clandestins, ignorant le respect que chacun doit avoir envers ces fragiles traces scientifiques de l’Histoire humaine régionale.

C’est grâce à elles que nous connaissons les activités de la vie quotidienne préhistorique : le défrichement des forêts à la hache de pierre pour faire un champ de céréales ou de légumineuse, la taille du silex pour faire des outils tranchants, le polissage d’autres roches, le façonnage et la cuisson des poteries du gobelet à la grande jarre de stockage, le filage et le tissage, la fabrication de parures…

D’imposants monuments sépulcraux existent également sur certaines crêtes : le caveau funéraire est alors une chambre en forme de dolmen, munie d’une entrée avec couloir d’accès : c’est alors une tombe collective pour les membres d’une famille ou d’un clan ayant un rôle important. Le tumulus est alors ostentatoire présentant des degrés d’élévation et recouvrant la chambre et le couloir.

Photo : GARA

On note souvent l’emploi de blocs de roche blanche (le quartz) déposés dans le tumulus ou disposés autour de la chambre. Le monument du Roc Troué illustre cette pratique architecturale mégalithique et pose la question des croyances et du signifié porté par ces agencements où le cercle est toujours présent !

L’ampleur de certains coffres et de certains tumuli, comparée aux structures plus modestes, pourrait exprimer soit des pratiques différenciées selon des moments du Néolithique final, soit l’usage de codes et de conventions liés au statut social ou familial des défunts.

La notion de hiérarchie et de pouvoir existait certainement dans le fonctionnement du groupe, surtout au moment où la métallurgie du cuivre et du bronze apporte de nouvelles richesses, des mutations économiques et commerciales (apports du Centre-Europe et du Nord-Italie) L’étude des nécropoles de Malausette, Peyraube, Sébettes, Roc Troué, Mas de la Cabane, illustre ces constats.

En Cévennes, la profusion de ces tombes dénote une appropriation des espaces naturels de hauteur, ouvert sur la beauté des horizons et correspondant à une interprétation du monde naturel vu et éprouvé, générant d’autres expressions. A proximité des lieux funéraires, sont des rochers tabulaires parfois gravés de cupules libres ou reliées par des sillons à déversoir : c’est un vocabulaire de signes pouvant être en rapport avec l’écoulement d’un liquide.

Les formes et la signification d’un culte, ainsi que la datation de ces gravures restent très incertaines, mais la découverte de cupules sur le substrat rocheux formant la base interne d’un coffre prouve une consécration antérieure ou contemporaine à la construction du coffre au 3ème millénaire avant notre ère. Bien d’autres signes ont été répertoriés (des anthropomorphes, des cruciformes, des arceaux….), mais impossible de les dater !

Les vestiges de quelques enceintes en pierres sèches occupent certains sommets de colline ou de caps rocheux, difficiles à dater sans étude précise ! S’agit-il d’enclos destinés à des occupations temporaires ?

L’érection de grandes pierres mises en forme telles que menhirs isolés ou agencés en cromlechs fut aussi pratiquée, ajoutant encore des questionnements sur les croyances et les rapports de l’homme avec les identités de la Nature, et classant notre Région dans le vaste Mouvement Mégalithique européen !

Photo : GARA

Tous ces indices fragiles réveillent une Mémoire lointaine dont il faut décrypter les réalités diverses : ils sont des passerelles nous raccordant aux origines de l‘occupation des Cévennes par l’Homme ! Protégeons-les !

Publication : 11 février 2024